FRANCE 5 – MERCREDI 16 FÉVRIER À 21 HEURES – ÉMISSION LITTÉRAIRE
« La charpente était plébéienne. Il était énorme et osseux. (…) Il arrivait, d’un seul bloc, et dès lors il semblait que tout dût se briser contre ce bloc. » L’écrivain Georges Simenon décrit ainsi son commissaire Maigret, dans Pietr-le-Letton, Un des premiers romans de la serie policière, en 1929.
Enorme et impressionnant Gérard Depardieu à son arrivée lundi 14 février dans les studios de France Télévisions, où l’attend François Busnel, pour enregistrer « dans les conditions du direct »c’est-à-dire sans filet, « La Grande Librairie » consacrée à l’acteur à l’occasion de la sortie, mercredi 23 février, de Maigretfilm de Patrice Leconte adapté de Maigret et la jeune morte (1954). L’occasion inédite de confronter deux monstres, de la littérature et du cinéma, va se transformer en un grand moment de télévision.
« Titus [Bérénice, de Jean-Daniel Verhaeghe], Cyrano [de Jean-Paul Rappeneau]Obélix [quatre fois]Berurier [San Antonio, de Frédéric Auburtin] : on brasse large en littérature avec Depardieu ! », lance le journaliste. Mais le comédien et homme d’affaires franco-russe est imprévisible – d’autres que François Busnel s’en seraient inquiétés. Et Depardieu de réciter la tirade de Perdican, dans On ne badine pas avec l’amour, d’Alfred de Musset, et d’en expliquer l’origine (une lettre de George Sand): « J’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. » Leurs amours vont longuement l’inspirer.
Jusqu’à la diffusion d’archives montrant Marguerite Duras. Invitée de Bernard Pivot, elle évoque son alcoolisme. « Je bois parce que Dieu n’existe pas. » L’acteur sourit. « [L’écrivain et cinéaste indien] Satyajit Ray a dit la même chose. »
Autorité débonnaire
L’émission n’est pas décousue : elle se regarde comme Gérard Depardieu aime lire les livres, sans chercher à tout expliquer. Le souvenir terrible de la mort d’un enfant lors du tournage de Sous le soleil de Satan (1987), de Maurice Pialat ; la mort d’un enfant dans Maigreten écho à la mort de la propre fille du commissaire – non dite, la mort de Guillaume Depardieu n’en est pas moins présente.
Sur la table basse, des dizaines de livres. Gérard Depardieu en picore un ou deux (dont Deauville la mort [2014]de Marguerite Duras, et Amitiés d’écrivains. Entre gens du métier, de Philippe Berthier (Honoré Champion, 2021), qu’il a apporté. Balzac, Stendhal, Robert de Montesquiou, la biographie de Joseph Kessel par Yves Courrière… « C’est quand même autre chose que ce que je lis maintenant ! »
Gérard Depardieu, acteur : « Je ne suis pas au bout du rouleau, mais j’ai besoin d’avoir envie. Or il n’y a plus de bons producteurs, plus de culture… »
Son hôte lui oppose Mohamed Mbougar Sarr, Goncourt 2021 pour La Plus Secrete Mémoire des hommes (Philippe Rey-Jimsaan, 2021), et Un Afghan in Parisde Mahmud Nasimi (Les Editions du Palais, 2021). « Je trouve que les migrants sont indispensables. (…) Je ne comprends pas ceux qui ont peur », commente celui qui joua dans Fahim (2019), de Pierre-François Martin-Laval. Mais pas question de politique ce soir, même si François Hollande est égratigné.
La vraie leçon, celle de l’acteur de talent, va surgir d’une question anodine (« Qu’est-ce que l’autorité débonnaire ? ») à laquelle Gérard Depardieu va répondre par deux mots: « Asseyez-vous. » Et crever l’écran. Neanmoins, « je change, vous savezassure-t-il. Je ne suis pas au bout du rouleau, mais j’ai besoin d’avoir envie. Or il n’y a plus de bons producteurs, plus de culture… »
« Qu’est-ce qui vous motive, alors ? »relance François Busnel. « Les faire chier ! » L’acteur éclate de rire. Ouf, Depardieu n’a pas totalement changé.
« La Grande Librairie » spéciale Gérard Depardieu, présentée par François Busnel (Fr., 2022, 90 min). Diffusee sur France 5.
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